[Quête] Chien de guerre

Le mercenaire était plus intelligent qu'il n'y paraissait, du moins c'était l'avis de Ulric. Après tout il y avait à présent si peu de chasseurs de sorcières qu'ils en étaient presque tombé en désuétude. Aux yeux de la plus part des gens, une armure noire était surtout annonciatrice de mauvaises nouvelles. Une cavalerie quelconque en approche, des éclaireurs ou bien des escadrons noires...

- Effectivement, répondit simplement Ulric avant de laisser poursuivre le mercenaire par rapport au fait qu'il n'y avait pas de monstres connus pour semer la terreur dans ce coin-ci d'Albion. Même si la populace n'en dit mot, il y a toujours un monstre ou deux pour venir troubler la paix.

Parfois de simples lutins farceurs qui s'amusaient à faire tourner le lait des vaches sans pour autant répandre la peur, peut-être l'agacement tout au plus, mais il était facile de s'en débarrasser sans avoir recours à des méthodes barbares. Là n'était point le sujet. Ulric ne voyait pas en quoi ses affaires pouvait intéresser le mercenaire. Il ne voyait pas l'utilité de lui dévoiler son contrat du jour, après tout cela ne regardait que lui et Aanor. Il lançait un regard à la jeune femme pour voir comme elle allait. Bien évidement, la belle n'était pas à son aise, mais pour l'heure, il fallait faire montre de patience.

- Mais je pourrais vous retourner la question, répliqua-t-il, qu'est-ce qu'un voyageur vient faire sur ces routes alors qu'on les dit dangereuse à quiconque s'y aventure ? Un homme et sa monture sont une proie de choix pour une meute de chiens sauvages.

Ulric tendit d'ailleurs l'oreille pour prêter attention aux alentours. Jusqu'à présent il n'avait entendu nul jappement qui aurait pu lui indiquer la présence de ses corniauds non loin.

Ulric arqua un sourcil en entendant la réponse du cavalier. Tient donc. C'était intéressant. Le chasseur de sorcières seraient presque tenté de lui dire qu'il avait un contrat similaire, ou tout du moins en lien avec cette affaire. Mais il ne pouvait être aveugle au malaise de la jeune femme. Pouvait-il lui imposer ce nouveau compagnon de route ? D'autant que l'autre ne semblait pas des plus honnêtes. Le chasseur retint un soupire, cette situation n'était pas pour l'arranger, jusqu'à ce que la jeune femme prenne la parole. Il fut surpris malgré le léger tremblement dans la voix. Finalement elle se montrait bien plus courage qu'elle ne le pensait. A cela devait s'ajouter qu'elle révélait la raison de leur présence par ici. Bien. Au moins chaque interlocuteur avait posé les bases, ils ne pouvaient pas être plus clair les uns envers les autres.

- Acceptez-vous de convoyer avec nous ? Proposa Ulric. Après tout il semblerait que nous ayant un but en commun.

C'était toujours ça de pris, il pouvait aussi bien accepter que refuser, ni Ulric ni Aanor ne risquaient d'en prendre ombrage. Leurs montures, elles, continuaient d'avancer paisiblement, à un rythme lent. Peut-être un peu trop lent au goût du chasseur de sorcières, mais il était bien plus pratique pour pouvoir converser amicalement, que de donner l'impression de vouloir prendre la fuite. Bien, dans tous les cas ils auraient pu tomber sur bien pire que ça. Ulric était plutôt ravis dans l'ensemble, même si son visage continuait d'afficher une neutralité désarmante. La force de l'habitude dirions nous.

Aanor était pétrifiée. Elle avait vu les deux silhouettes dans l'arbre tandis que les chiens rôdaient autour. Est-ce un jeu pour eux que de traquer des humains ? Elle ne savait rien, ne voulait pas savoir ce qui pouvait se tramer dans la tête de ces animaux. La douce voulait seulement voir son père et son frère en vie. S'agissait-il bien d'eux au moins ? A cette distance elle n'était sûr de rien. Pourtant, elle avait envie d'y croire.

Hélas, à présence la situation n'était plus de son ressort. Les mains crispés sur les rênes de son cheval, son regard perdu sur le lointain, elle sentait son cœur lui cogner dans la poitrine. La peur se faisait saisissant. Son regard se porta sur le chasseur de sorcières tandis que le mercenaire avait sorti l'épée au clair, prêt à en découdre avec cette bande de chiens sauvages. Aanor n'était pas sereine. Elle avait envie de crier, de demander s'il s'agissait bien de sa famille là-bas. Depuis combien de temps étaient-ils plantés là-haut ? Sans doute trop longtemps... Pourtant elle restait muette, elle savait que si elle tentait quoi que ce soit, cela pourrait attirer l'attention des chiens et alors ils devraient fuir, elle tout du moins.

Mâchoire serré, elle ne décrocha pas un seul mot, préférant prendre un peu de distance pour ne pas assister au combat qui n'allait pas tarder. Bientôt elle allait tendre les voix des hommes, les aboiements des chiens et leur râle d'agonie. Le jappement de l'un d'eux tandis qu'une lame venait les pourfendre. Non, Aanor ne pouvait voir cela, elle ne voulait le voir, c'était beaucoup trop pour son pauvre cœur. Tandis qu'on lui confiait des rênes des deux autres montures, elle talonna les flans de son cheval et guida les autres plus loin pour trouver un coin paisible.

Ulric venait de mettre pied à terre, confiant les rênes de son cheval à la jeune femme. Lui aussi avait sorti son épée, prêt à égorger quelques bêtes. Seulement des bêtes. Des corniauds que des maîtres avaient lâchement abandonné. Qu'en savait-il ? De toute façon ils allaient devoir tous les tuer. Avec ce nouvel acolyte du jour, le chasseur de sorcières s'avança dans le pâturage. Lame au clair, il s'approchait prudemment, dans l'espoir que les chiens les verraient le plus tard possible. De temps à autre, son regard allait vers les deux hommes installés dans les hauteurs de l'arbre qui leur servait d'abri de fortune. Voyant approché les deux hommes d'arme, ils n'avaient dit mot, sachant que pour l'heure il avait un léger avantage sur la meute entourant l'arbre.

Hélas, l'avantage ne fut que de courte durée car bientôt les cabots se mirent à aboyer. L'un deux venait de les repéré. Ils s'étaient levés tandis que d'autres s'étaient déjà approché, méfiant. Les aboiements étaient loin d'être amicaux. Ulric et le mercenaire avaient pénétré sur leur territoire, ils allaient devoir répondre de ses affronts envers la meute sauvage. Ce qui semblait être le chef, le plus gros et le moins aimable des canidés, s'approcha en grognant, dévoilant une belle rangée de canines. Sans trembler pour autant, l'homme le regarda droit dans les yeux, bien décidé à lui passer son épée à travers le corps.

Hommes comme animaux semblaient se jauger d'une bien étrange façon. Le mâle dominant continuait de s'approcher lentement, entamant ce qui avait vocation à les encercler. Ulric ne le lâchait pas du regard mais gardait également les autres à l’œil. Il ne fallait pas leur tourner le dos sinon à la moindre occasion ils allaient profiter pour attaquer...