[Quête] Chien de guerre

Aanor était inquiète. Son père et son frère n'étaient toujours pas revenus alors qu'ils étaient parti depuis trois jours pour aller livrer quelque marchandise dans un village des alentours de Gloucester. A ce moment là, la nouvelle des attaques de chiens sauvages n'avait pas encore franchis les murs de la cité. A présent, la jeune femme éprouvait de la peur à l'idée qu'il puisse leur être arrivé quelque chose de terrible. Les protecteurs de la cité ne semblaient pas très enclin à vouloir agir alors même que les premiers paysans étaient arrivés pour demander qu'on les dédommages et qu'on règle vite le problème.

Avec sa belle sœur, elles guettaient la moindre arrivée en provenance du Pays de Galles. Une nouvelle journée s'était écoulé et au loin le soleil commençait à tomber sur l'horizon. Il ne ferait pas nuit avant encore un moment et pourtant par endroit on allumait déjà les torches dans les rues qui manquaient de lumière. Ce soir encore on allait refermer les portes de la ville par précaution, pour empêcher les bêtes d'entrer, condamnant ceux qui souhaiteraient trouver refuge.

Aanor était assise sur un muret de la grande place. De là, elle observait les allées et venues des voyageurs et des habitants de Gloucester. Elle s'était mise en tête de trouver quelqu'un qui pourrait sans doute l'aider, contre bonne paye, à retrouver père et frère. Jusqu'à présent, elle n'avait vu personne de susceptible d'accepter son offre. La plus part n'avaient pas l'air de savoir se battre ou représentaient une menace pour elle même. Par les temps qui courraient, il était toujours aussi difficile de trouver des hommes de confiance.

Les rayons du soleil de juin dardaient le paysage de leur lumière. Après une retraite de quelques mois au Pays de Galle, Ulric avait enfin quitté Gwynvir pour s'en retourner cheminer sur les routes de la belle Albion. Le temps était clément ces derniers jours, de quoi voyager au pas sans craindre la moindre averse orageuse. Mais par moment et par endroit, le temps se faisait lourd et la chaleur difficile à supporter lorsque l'on était en armure. La malchance voulait que les chasseurs de sorcières soient de noir vêtu. Pratique dans la nuit ou pour semer la terreur, mais le reste du temps c'était un choix vestimentaire qu'il était difficile d'assumer en toutes saisons. L'été plus particulièrement.

A la fin de cette nouvelle journée, les remparts de la cité de Gloucester se dessinaient sur l'horizon. Les paysans avaient déjà quitté les champs alors que le soleil déclinait à peine. C'était étrange. Néanmoins d'ici il entendait les bruits et sentait les odeurs de la ville. Pas de fumée épaisse. La cité était encore au calme et en paix. Sans doute en saurait-il davantage en arrivant. Aussi le chasseur pressa sa monture pour la faire aller au trot et gagner plus rapidement les grandes portes toujours ouvertes à cette heure.

- Vous n'avez pas eu d'ennui pour venir ? demanda un garde alors que Ulric franchissait les portes de la cité.
- Pas que je sache, pourquoi ? dit-il.
- Paraîtrait qu'une bande de chiens sauvages rôde dans le coin, on ferme les portes avant la tomber de la nuit, j'vous conseille d'attendre demain si vous compter repartir.
- J'en prend note.

Sur ces mots, il quitta le garde et s'enfonça dans les rues de Gloucester. Il finit par s'arrêter sur la grande place, cherchant du regard si l'auberge était toujours ouverte. Ici la vie semblait suivre son cours. Le chasseur passerait donc inaperçu dans la foule des anonymes. Ulric mit pied à terre et confia les rênes à un gamin qui travaillait aux écuries. Déjà il voyait sa monture s'éloigner tandis qu'il posait le pied sur la première marche que menait à la terrasse de l'auberge.

Le regard se baladait ça et là sur ceux et celles qui arpentaient la grande place. En son fort intérieur, elle aurait espéré recroiser la route de la mercenaire sarmate avec qui elle avait déjà convoyé. Malheureusement, point de femme courageuse en vue. Aanor poussa un soupire. Jusqu'à ce que ses prunelles se posent sur une armure noire. Ce pourrait-il que... ? Elle sauta prestement du muret avant de s'arrêter, immobile pour réfléchir un instant. Était-ce vraiment un chasseur de sorcier ? Deux mois pour tôt elle menait l'aventure sur les routes du Pays de Galle pour trouver trace du plus ancien bastion de ces hommes là. Aujourd'hui elle en voyait-un de pied en cape. Elle avait lu tout ce qu'elle avait pu sur les écoles de Gwynir et Treen, tremblant encore que la terrible réputation de la dernière.

Mais était-il encore fidèle aux principes qu'il devait servir ou se contentait-il du passe droit que son statut lui offrait ? Aanor ne le saurait pas tant qu'elle ne lui aurait pas touché deux mots sur son dilemme. Elle pensait à sa famille avant tout, sans ce demander ce qu'elle risquait. Après tout, il était mieux de s'adresse à ce genre de personnage qu'à un voleur ou un mendiant. Il pouvait bien lui rire au nez dans le pire des cas, mais au moins elle aurait essayé. Après une hésitation, elle força l'allure, esquivant les inconnus dans la foule pour se rendre jusqu'à l'auberge de l'autre côté de la place.

- Messire ! s'exclama la jeune femme en relevant quelque peu son jupon pour aller plus vite et ne pas le perdre sitôt rentré dans l'établissement. Messire, je vous en prie, j'ai besoin de vous.

Elle s'arrêtait à deux pas de lui, attendant qu'il se retourne. Il était si grand. De son visage elle n'en voyait encore rien, mais elle devinait qu'il avait dû affronté bien des ennemis dans la vie. Elle retint son souffle, la peur lui prenait les entrailles sans qu'elle ne sache si c'était l'excitation ou la peur.

Le pied à peine posé sur la première marche qu'une voix féminine venait le troubler dans ses réflexions. S'il s'y était attendu ? Pas du tout. Pour l'heure, il n'avait nul raison d'être agacé voire même courroucé, il était surtout intrigué. Ulric se retourna pour voir qui s'était adressé à lui. Là, se tenait une toute jeune femme, l'air inquiète. Il l'observa encore un instant, ne pouvait que reconnaître qu'il possédait une certaine grâce qu'il n'avait vu jusqu'à présent que dans les cours royales d'Albion. Serait-ce mal vu qu'un chasseur de sorcières paraisse en si bonne compagnie ? L'homme ne se posait pa la question.

- Qui a-t-il ? demanda le chasseur.

Il s'écarta pour céder la place à un homme qui s'apprêtait à entrer dans l'auberge. Ulric en profita pour se mettre à la hauteur de la jeune femme, même si en un sens elle était plus petite que lui. A présent qu'il en était plus proche, il la trouvait fragile et lui se trouvait bien trop laid pour se permettre d'être à ses côté. Pourtant elle semblait faire complètement abstraction de son apparence. Sans doute avait-elle surtout reconnu l'armure des chasseurs de sorcières. C'était une hypothèse qu'il ne fallait pas écarter. Il lui semblait que quoi qu'elle lui demanderait, même la chose la plus futile, il aurait envie de s'exécuter. Il ne pouvait laisser la tristesse paraître sur un si beau visage. Et si... Et si c'était une sorcière ? Non, elle semblait beaucoup trop sincère dans sa détresse pour avoir la moindre once de fourberie. Néanmoins Ulric garda cela en tête, il aviserait en fonction de ce qu'elle avait à lui demander.

Là, devant elle se tenait celui qu'elle espérait. Il avait un air passablement fatigué du monde et pourtant dès qu'il avait posé son regard sur elle, Aanor avait vu briller une étincelle dans son regard. Aussi espérait-elle qu'il accepte de céder à sa requête. En d'autres occasions, elle serait peut-être restée l'observer de loin, à ce demander quel genre d'aventures qu'il avait bien pu vivre jusqu'à ce jour. Hélas, il n'était pas temps d'aller à ces vagabondages de l'âme, elle avait d'autres inquiétudes qui lui hantaient l'esprit. Il lui demanda rapidement ce qu'il y avait, s'écartant du passage qui menait à l'auberge pour qu'ainsi ils puissent discuter. La jeune femme se doutait bien qu'il devait avoir quelques idées de ce qui pouvait la mener à lui, alors elle n'irait pas par quatre chemins.

- Oh messire, cela fait trois jours que je n'ai point de nouvelles de mon père et de mon frère, dit-elle. Il devait se rendre dans un village aux alentours de la cité mais ils ne sont toujours pas revenus. Avec ces meutes de chiens qui rôdent, j'ai peur qu'il le soit arrivé quelque chose comprenez vous.

La demoiselle avait une boule au ventre rien qu'à imaginé qu'il ait pu leur arriver quelque chose. Elle sentait déjà ses yeux se noyer de larmes et pourtant elle résistait à la tentation de pleurer. Aanor n'avait pas encore fini de s'adresser à son interlocuteur.

- J'ose espérer que vous pourriez me venir en aider pour les retrouver, poursuivit-elle. Je sais que vos services ne sont pas gratuit et je saurais vous faire une bonne récompense à cette occasion... Même si vous veniez à ne pas les ramener en vie.

Aanor aurait souhaité ne pas avoir à formuler sa phrase ainsi, malheureusement il fallait se préparer à toutes éventualités en ses temps dangereux. La jeune femme continuait de retenir ses larmes, elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle tentait de l'amadouer pour qu'il accepter plus facilement. La native de Chester n'avait jamais été femme à se plaindre et tenter de jouer de ses charmes. Pourtant il était si difficile de résister à la peur qui lui retournait les entrailles en cet instant.

Sans surprise alors, elle lui avoua sa détresse et les plans qu'elle avait en tête. La jeune femme était simplement inquiète pour père et frère sans retour. Peut-être qu'au fond de lui, le chasseur de sorcières s'était attendu à bien plus d'aventure que cette histoire de meutes de chiens. L'homme était trop habitué à chercher le sang de ceux qui se tenaient à deux pattes ou sur six plutôt que celui des animaux du commun des mortels. Toutefois, la perspective d'un peu d'or était pour lui enchanter l'esprit. Après tout, la quête semblait facile d'un premier abord. Avec un peu de chance, les deux hommes qu'elle cherchait devaient attendre que la voie soit libre pour quitter leur cachette et rejoindre la cité libre à toute jambe. Hélas toujours en son fort un intérieur, il ne doutait pas qu'il puisse arriver malaventure. Tomber sur une bête magique ou pire encore. Ulric avait déjà affronté tant de scénarios qu'il ne savait plus pour quelle composition opter, elles étaient toutes possibles à ses yeux.

- Je comprend, répondit-il dans un premier temps. Rares sont ceux qui peuvent admettre que leurs proches puissent être passé de vie à trépas.

Ulric la voyait lutter contre les larmes à l'idée qu'il puisse être arrivé malheur mais elle tenait bon. L'homme n'était pas insensible à sa détresse, lui qui jusqu'alors avait toujours sur ce montrer indifférent à la misère du monde, usant parfois de sarcasme et de cynisme pour pousser les autres à passer leur chemin. Mais si jusqu'à présent il l'avait soupçonné sans vergogne d'être une sorcière, il était en proie au doute sur cette hypothèse. En effet, il semblait bien s'agir d'une simple marchande dont les soucis étaient pareils à bien des centaines de gens comme elle à travers tout Albion. Enfin, elle l'avait touché au cœur et sa jeunesse lui redonnait un peu espoir pour les Hommes.

- Très bien, j'accepte, dit-il. Je partirai demain dès que les portes seront ouvertes.

Il ne comptait certainement pas passer la nuit dehors, quand bien même il avait terrassé quelques monstres, il n'était pas fou au point de se risquer une fois le soleil tombé. Mais il ne chercha pas à négocier pour sa récompense, il faisait confiance à la demoiselle pour tenir parole. En d'autres temps et d'autres circonstances, il aurait sans doute demander une garanti, mais il n'en sentait pas le besoin, elle avait l'air sincère.

Il avait accepté ! Aanor n'en revenait pas. Elle eut envie de lui sauter au cou mais elle se retint de le faire pour de nombreuses raisons qui son éducation lui inculquait. Aussi, elle se contenta de l'esquisse d'un sourire pour le gratifier de sa reconnaissance. La demoiselle se trouvait bien en veine ce jour là, elle ne pouvait perdre espoir maintenant qu'il lui avait été rendu par ce chasseur de sorcières. Toutefois, elle se voyait lui faire part d'une dernière requête qui pourrait sembler à l'homme parfaitement ennuyeuse.

- Messire, puis-je... soumettre l'idée que je puisse venir avec vous demain ? demanda la jeune femme, dont les yeux étaient à présent illuminés.

Sans doute Aanor lui en demandait-elle beaucoup, mais en un sens, elle était la plus à même de lui dire s'il s'agissait bien de son père et de son frère, qu'ils soient vivants ou morts... Elle détesta penser à cette éventualité, mais il fallait le faire. Elle priait seulement les dieux pour lui accorder la première possibilité, la vie.

- Je sais, il ne sied guère à une femme de mener l'aventure avec un homme dont elle ignore tout, fit-elle en baissant les yeux, l'échine légèrement courbée. Mais je saurais me rendre utile, moi seule connait le visage de mon frère et de mon père... Surtout s'il s'avère nécessaire de devoir reconnaître les corps.

Sans doute ne réalisait-elle pas encore ce que cela pouvait signifier si jamais ils n'étaient plus de ce monde. Elle se retrouvera avec sa belle sœur et l'affaire de son père, sans mari pour la seconder ou même prendre les rennes... Non, non elle ne voulait pas y penser, elle ne pouvait pas, ce n'était pas possible. Aanor joignit ses mains ensemble pour stopper le début de tremblement qui commençait à agiter ses doigts. Il ne fallait pas craquer, pas maintenant. Plus tard... Oui plus tard serait idéal.

S'il l'avait vu venir ? Peut-être, dans tous les cas il ne fut point étonné de la dernière requête de la jeune femme. En l'entendant, il croisa les bras, arborant ainsi un air un peu plus sérieux. Ulric avait-il seulement envie d'argumenter, de lui faire entendre que l'idée n'était pas la meilleure ? Mais elle avançait déjà elle même des points qui étaient loin d'être sots. Le chasseur n'éprouvait pas l'envie d'aller à son encontre, peut-être demain aurait-elle changé d'avis. Qu'en savait-il ? D'expérience, il savait surtout qu'une femme était difficile à faire changer d'avis une fois qu'elle avait ses idées en tête. Celle-ci, quand bien même d'allure elle semblait frêle, ne semblait pas prompte à baisser les armes tant qu'elle n'aurait pas obtenu ce qu'elle voulu, aussi légitime cela puisse-t-il être.

- Vous m'avez vaincu, répondit l'homme, retrouvons nous ici demain dès le point du jour, mais je saurais garantir votre sécurité si les choses venaient à mal tourner, tenez vous le pour dis.

En effet, ne sachant ce qui les attendait, il n'était pas certain de pouvoir assurer sa protection tout au long de cette quête. Si elle était facile, il n'y avait pas l'ombre d'une inquiétude à avoir. Dans le cas contraire... Advienne que pourra. Ulric la salua et pris congé pour rejoindre l'auberge dans laquelle il comptait toujours faire halte pour se reposer un peu du voyage qui fut le sien ce jour là. Pourtant, avant de s'engouffrer à l'intérieur et prendre place, il s'arrêta sur le perron et se retourna de la bâtisse. Elle s'éloignait déjà, silhouette gracile dans la foule. Il ne lui avait même pas demandé son prénom... Tant pis, il le ferait demain.

L'aube avait céder sa place au jour. Aanor avait quitté l'endroit où elle logeait pour gagner la place où elle avait rencontré le chasseur de sorcières la veille. Ses entrailles étaient noués à l'idée de devoir quitter les murs protecteurs de la cité, mais il fallait faire fi de ce sentiment malin. Elle se devait de tenir son engagement auprès de l'homme qu'elle avait convaincu pour l'aider dans son entreprise. Pourtant ce matin le doute ne cessait de l’assaillir alors que hier l'espoir avait envahis son âme. La demoiselle avait peur, c'était un fait qu'elle ne pouvait combattre. Aussi espérait-elle revoir bien vite celui qui avait accepter de lui venir en aide. Il avait quelque chose de rassurant malgré lui. Peut-être l'expérience des ans qui parvenait à le rendre sécuritaire.

Assise sur le muret de la grande place, son regard était porté sur l'entrée de l'auberge où elle avait vu le chasseur disparaître à la fin de leur rencontre. Son cœur cognait dans sa poitrine avec une telle force qu'elle avait peur de ne pas être la seule à l'entendre. Alors, de temps à autre elle surveillait les environs tandis que Gloucester s’éveillait encore d'une nuit tranquille. Quelque part, au fond d'elle même, Aanor était impatience, elle avait peur mais elle voulait en finir avec l'inquiétude qui lui tenait compagnie depuis quelques jours. La jeune femme détestait être dans l'incertitude, ne pas savoir. Elle n'avait de cesse de se poser des questions. Étaient-ils morts ? Étaient-ils vivants ? Elle ne savait pas, elle ne savait rien...

La porte des écuries s'ouvrit, un cheval était harnaché était guidé au dehors par un palefrenier. Ne tarda pas à suivre un homme en armure noire qui finissait de mettre les attaches d'une pièce d'armure qui lui protégeait le poignet gauche. Ulric lança un regard à la grand place pour observer le ballet matinale qui éveillait la cité libre. Ça et là les premiers marchants installaient leurs étales pour la journée à venir. Dans le ciel, pas l'ombre d'un nuage noir pour venir présager du mauvais temps. Il était toujours plus agréable de voyager par beau temps.

Son regard vint à se poser sur la demoiselle blonde qu'il avait rencontré la veille. Elle se tenait là, assise sur un muret, l'air bien soucieuse. Au moins il était certain qu'elle était le genre de personne à tenir parole. Mais pour l'heure chacun des deux ignoraient le danger auquel ils avaient affaire, aussi était-ce présomptueux de penser qu'elle avait la moindre parcelle de courage. Enfin, là n'était pas la question en cet instant. Ulric remercia le palefrenier en lui donnant une pièce d'or et lui repris les rênes de sa monture. L'animal piaffa avant de s'ébrouer. Après quoi, le chasseur s'approcha de la jeune femme sans chercher à se faire le plus agréable de homme. Ne lui adressa pas même un sourire.

- Êtes vous prête ? demanda l'homme une fois arrivé à sa hauteur.

Il ne savait si la route allait être longue et quelles malaventures ils allaient devoir affronter. Aussi n'était-il pas temps de traîner plus que de raison en ces lieux. Toutefois il était intrigué de la voir sans monture. Comptait-elle voyager à pied ? Mais plutôt que de la juger promptement, il attendrait de voir ce qu'il en était.

Il était là, l'homme, le chasseur de sorcière. Le même qu'à la veille de leur rencontre. Sur son visage et dans son regard on pouvait y lire qu'il avait vu milles choses dans la vie et que le voile merveilleux s'était ôté de ses yeux depuis longtemps. Il connaissait de ce monde ce qu'il y avait de pire, autant dans la nature humaine que dans la nature elle même. Combien de monstres avait-il trépassé ? Combien d'hommes avait-il passé sur le fil de sa lame ? Aanor ne doutait guère qu'il puisse avoir déjà tuer quelques un de ses semblables pour des raisons qui lui était propre. Après tout les monstres avaient parfois forme humaine, la jeune femme le savait. Pourtant elle se sentait bien naïve à côté de lui. Néanmoins malgré toutes ses bravades et le malheur, il avait accepté de lui venir en aide. Il y avait donc encore un cœur battant derrière cette armure noire. Il arriva bientôt à sa hauteur en compagnie cette fois de sa monture.

- Oui, il me faut juste récupérer mon cheval mais il est sur le chemin pour quitter la cité, dit-elle en sautant du muret sur lequel elle était encore assise.

Sitôt elle sauta prestement pour retrouver la terre ferme. Elle ne savait si elle pouvait se faire bavarde ou non en compagnie de cet homme. Sa seule certitude résidait dans le fait que si son père l'avait vu en pareille compagnie, il l'aurait puni sévèrement. Hélas, si elle parvenait à le retrouver, il saurait oublier bien vite cette affaire pour remercier le chasseur de sorcières. Du moins Aanor osait l'espérer.

- Oh et... je m'appelle Aanor, fit-elle en se rendant compte que l'un comme l'autre ne se connaissaient pas par leur prénom.

Une fois qu'il eut donné sa réponse, ils prirent aussitôt la direction de la porte ouest de la cité. L'attendait sa belle sœur en compagnie du cheval qui serait sien pour ce voyage. Elle avait la mine plus inquiète encore que Aanor. Mais cette dernière la rassura tant bien que mal.

- Ne t'en fais pas, nous serons bientôt de retour, dit-elle.
- Fais attention à toi, lui répondit sa belle sœur tandis qu'ils s'éloignaient.

Les mûrs de Gloucester semblaient déjà fort loin tandis que Aanor se tournait une dernière fois pour les observer. L'inquiétude n'avait cessé de gagner de la place dans son coeur mais à présent elle avait la certitude que les choses allaient enfin bouger. Toutefois elle continuait d'observer le silence, ne sachant si elle pouvait se faire bavarde en la compagnie du chasseur de sorcière. A dire vrai, elle ne savait même pas qu'elle conversation elle pourrait avoir avec lui et de quoi il accepterait bien de parler. Certainement avait-il davantage l'habitude de se taire que de parler inutilement. Ainsi préférait-elle ne pas l'ennuyer, il était déjà fort aimable de l'aider.

Au loin sur la route, elle vit une silhouette à cheval qui semblait observer la même direction qu'eux, mais le cavalier n'était pas à la route. Il observait ça et là autour de lui comme pour chercher quelque chose. Il n'avait rien d'un chevalier mais n'avait pas non plus l'allure d'un marchand. Aanor était à la fois curieuse et méfiante, lançant un regard à son compagnon d'aventure. Ah si Corwyn avait été là... Si tout cette histoire se finissait bien, elle aurait grand plaisir à tout raconter à son ami le Haut Conteur !

Aanor, ainsi elle s'appelait Aanor. C'était un prénom qu'il n'avait jamais entendu jusqu'à présent mais il allait très bien à la jeune femme. Fort heureusement d'ailleurs... Il s'était présenté à son tour sans plus de cérémonie et ils avaient enfin pris la route qui devait les mener sur la pistes de son père et de son frère.

Ulric avait remarqué le cavalier qui faisait route à plusieurs mètres devant eux. Il sentait que la jeune femme à ses côtés n'était pas plus rassuré que cela au vu de l'allure de l'inconnu. Le chasseur l'était également puisque l'autre semblait être à la rechercher de quelque chose. Mais quoi, cela était impossible à deviner. Dans tous les cas, il n'avait pas l'air de se soucier de cette histoire de chiens sauvages.

Les deux compagnons de route arrivèrent bientôt à sa hauteur. Le doute n'était plus permis, il s'agissait bel et bien d'un mercenaire à en juger par ce qu'il avait d'attacher à sa scelle. Il remarqua les armes qui n'étaient pas de facture bretonne. Un étranger ? Fort possible, Albion comptait bien des voyageurs sur ses terres. Impossible de dire s'il représentait une menace ou non pour leur aventures. Il fallait espérer que non, c'était ça de moins à se soucier.

Ulric talonna sa monture pour la faire dépasser le mercenaire étranger, lui lançant un regard et un vague hochement de tête pour le saluer. Il se retourna pour voir si Aanor suivait également.