[WAR] Victoire des fourbes [terminé]

Les choses étaient arrivées d'une bien étrange façon. Ceux qui se pensaient à l'abri entre les murs de la citadelle avaient vu leur certitudes ébranlées. Sterenn avait vécu cela non sans une certaine crainte, la peur de voir les siens réduit au néant sur le simple souhait d'une usurpatrice. Si elle avait toujours apprécié Uther en sa qualité de souverain, elle n'était pas sûr de vouloir vivre sous le joug de Morgane. Elle ne saurait l'appeler reine car pour elle la jeune femme n'en avait pas l'étoffe, il n'y avait qu'à voir celle qui lui murmurait à l'oreille. La dame de la cour observait les deux femmes avec attention tandis qu'elle gardait contre elle sa fille, cherchant du regard son fils, son mari et son cousin. Elle était inquiète mais se devait de faire bonne figure pour ne pas donner satisfaction à ces deux femmes.

Helen comprenait avec peine ce qui était entrain de se passer mais sa mère lui avait demandé de garder le silence quoi qu'il arrive. Elles se retrouvaient dans une position bien délicate, trahir Pendragon ou cracher à la figure de l'autre ? Si Sterenn n'était pas la plus sainte des femmes, elle n'était pas une traîtresse pour autant, pas envers les Pendragon. Il faudrait donc faire profile bas en attendant de pouvoir trouver une solution à long terme. Il fallait préserver sa famille coûte que coûte.

Les Ténèbres s’étaient abattues sur nous. Camelot avait été conquise par nulle autre que ma maîtresse et sa soeur, Dame Morgause. Je savais depuis longtemps que je ne pouvais avoir confiance en elle, mais ma place de dame de compagnie, de servante, ne me permet pas de lever la voix. J’aurais été tuée sans procès, aussi froidement que mon père l’a été, si j’avais osé porter une quelconque accusation. Quand Arthur et Merlin sont partis, j’ai bien pensé que le château serait en danger, mais je ne m’attendais pas à ce que ma maîtresse en profite aussi rapidement. Quand l’armée de Morgause nous a attaqué, j’ai dû faire un choix : Suivre Morgane et vivre, ou suivre Arthur et mourir. Le choix a été évident.

De vive voix, j’ai choisi de vivre. Mais mon coeur étant parti avec Arthur le jour où il nous a quitté, j’ai bien l’intention de lui rester fidèle. Camelot une fois conquise, je me suis empressée d’envoyer un message à Arthur, en espérant qu’il lui parvienne rapidement. Je suis parvenue à ne pas me faire prendre et je dois poursuivre ce jeu le plus longtemps possible.

Dans la salle du trône, Dame Morgane est assise bien droite et sublime sur le trône du roi usurpé qui croupit dans les donjons. Je me tiens en retrait, mais je n’ai visiblement pas été physiquement obligée à me présenter ici. J’y suis venue de mon propre chef en tant que servante de la nouvelle reine. Je regarde, bien droite, les soldats qui sont mécontents d’être amenés de force ici, ainsi que les membres de la cour. Certains semblent partager le même avis que les soldats et chevalier. Les autres sont soit curieux, soit trop effrayés pour oser tenir tête à Morgane. C’est dans l’intérêt de tous de ne rien faire, j’en sais quelque chose.

Maudites soient ces sorcières, voilà tout ce que Ulric avait juré le jour ou les deux sœurs avaient pris le pouvoir à Camelot. Seul contre deux magiciennes et une armée, le chasseur de sorcières n'avait pu faire le poids. Malgré sa vaillance et l'envie de défendre les habitants de la cité, il avait échoué, il fallait le reconnaître. Peut-être que les choses auraient été différentes il y a quelques années, quand les siens étaient alors à leur apogée, mais aujourd'hui, même en unissant leurs forces, la poignée qu'ils étaient n'auraient pas changé le cours des événements. Ils n'étaient bon qu'à chasser des monstres isolés, pas une armée.

En mauvaise posture, Ulric avait tâté de l'épée avant de devoir se rendre comme le reste des chevaliers de Camelot. Hélas pour lui, il était un ennemi d'autant plus haïssable qu'il était de ceux qui avaient arpenter l'île afin d'endiguer la menace que pouvait représenter la magie. Sa seule chance, il la devait à un chevalier avec qui il avait déjà travailler plusieurs fois et qui lui avait permis de revêtir les habits des chevalier de Camelot, de façon à se fondre dans la masse, car il était certain que si l'on venait à apprendre qu'il était entre ces murs, il se ferait décapiter sans préavis. Alors comme les autres, il s'était retrouvé dans la salle du trône à observer cette reine. Plus que jamais, il lui fallait rester en place car il était au cœur même de son métier. Plutôt mourir que fuir.

Si la mort faisait partie de la vie, se savoir sur le fil de la lame n'était pourtant pas pour plaire à autrui. Aanor et sa famille s'étaient retrouvés à Camelot après un voyage dans les autres royaumes sur Sud d'Albion. Voilà peine quelques jours qu'ils étaient arrivés que la guerre était venue tarir la joie dans la cité. Comme beaucoup d'autres, ils s'étaient retrouvés sous le joug de l'armée de la Mercie sans avoir eu le temps de dire quoi que ce soit. L'ambiance avait basculé du tout au tout, l'angoisse avait gagné la ville basse, la peur courrait dans les rues et ruelles comme un chien fuyant. Malgré tout il fallait continuer de vivre et c'est ainsi que Aanor se retrouva avec bon nombre d'autres personnes de la cour dans la salle du trône. Elle qui était seulement venues pour ramener rapidement quelques marchandises, s'était vue happer par le mouvement créé par les hommes de dame Morgause. Ne pouvant dire mot, la demoiselle s'était contentée d'attendre avec l'espoir qu'aucun mal ne leur serait fait. Sans doute son père était-il entrain de se faire un sang d'encre à l'heure qu'il était, ne voyant pas sa fille revenir. Aanor avait peur comme jamais auparavant, elle aurait voulu disparaitre pour l'heure et prier pour que les dieux leur accordent la liberté.

Les augures étaient mauvaises, très mauvaises. Inutile d'avoir étudié la magie et ceux qui la pratiquaient pour savoir que cette situation était néfaste pour tous. Ulric continuait d'observer le silence tout en étudiant ce qui lui était donné de voir. Beaucoup ici ne semblaient pas porter cette femme dans leur cœur, le sentiment de trahison dominait tous les esprits, même les moins belliqueux. L'homme se risqua alors à relever la tête pour voir les deux femmes qui leur faisaient face. Là, la tête couronnée se dressa devant eux, jetant au visage de tous une forme de supériorité qui n'avait rien de souverain. Le discours qu'elle prononça par la suite était entaché par le mensonge. Elle ne savait rien, rien du combat que lui menait contre la magie depuis aussi longtemps que pouvaient exister les écoles de chasseurs de sorcières. Heureusement ou malheureusement pour elle, la seule qui se trouvait en Cornouailles avait fermé depuis plusieurs années, Ulric aurait pu y trouver de précieux alliés mais aujourd'hui il n'en était rien...

Le règne de la magie... Elle voulait condamner plus de la moitié de la population à subir les affres d'une chose qu'ils ne pouvaient maîtriser et qui leur serait toujours néfaste, dangereuse, violente. Les Hommes étaient déjà bien assez mauvais entre eux pour qu'on leur donne la possibilité d'user d'une arme qu'ils ne maîtrisaient pas. L'âme humaine était par nature profondément corruptible quand elle était condamner à la pauvreté. Entre les mains de cette femme, la magie était à l'image de ce contre quoi le roi Uther avait toujours lutté. Le chasseur de sorcière ne saurait laisser pareille chose arrivé, pas tant qu'il serait encore en vie avec la force de tenir une épée à la main. Là, il regarda autour de lui pour noter les réactions de chacun, même les plus infimes.

La situation n'était enviable pour personne. Difficile de dire ce qu'il y avait le plus à craindre. Fut un temps où Sterenn aurait grandement apprécier entendre ce genre de récit venu d'un autre royaume, mais les choses étaient bien moins glorieuses quand on les vivait réellement. Et visiblement il n'y avait que deux personnes qui semblaient apprécier le moment. La dame de la cour portait sur elle deux un regard méfiant, ne sachant quelle certitude il lui était possible d'avoir tant elles étaient totalement imprévisibles à elles deux.

Dame Morgane, Sterenn se refusait à la considérer comme une reine, s'était levée et toujours d'une façon parfaitement grotesque elle s'était mise à parler. Son discours avait tout bonnement l'air d'avoir été appris par cœur et déclamer comme pour une pièce de théâtre. Oui, au goût de la dame de la cour, tout cela n'était qu'une mise en scène des plus ridicules. Elle était devenue septique en entendant les parole de la jeune femme qui avait plutôt l'air d'un pantin que d'une réelle souveraine. A n'en point douter, c'était l'autre qui tirait les ficelles de ce spectacle absurde.

Ainsi donc, alors même que sous le règne d'Uther il était encore possible de parler assez librement, cette femme là leur promettait un règne de la terreur plus qu'autre chose. Sterenn était inquiète, pour ses enfants, son mari et tout ceux qui lui étaient proches. Son regard avait cherché son cousin, priant les dieux pour qu'il ne tente rien d'idiot qui pourrait mettre sa vie en danger. Pour la première fois, la dame éprouvait de la peur, quelque chose qu'elle ne pouvait pas contrôler car la situation présent était devenue incontrôlable...

Elle n'était pas ravis de ce que tout cela pouvait signifier, peut-être une crise d'austérité. Sans doute que Morgane voudrait tester la fidélité de ses nouveaux sujets. Voilà que venait poindre l'inquiétude, même pour sa servante Freya pour qui elle aurait grande peine s'il venait à lui arriver malheur juste parce que l'autre serait de mauvaise humeur. Non, décidément ce n'était pas une situation enviable.

C’est plus fort que moi. Je ne suis pas fan d’Uther Pendragon, mais je ne peux m’empêcher de souhaiter son retour sur le trône. J’ai beau tenter de vouloir cacher mon jeu, c’est une chance que je ne sois pas dans le champ de vision de ma maîtresse et sa soeur, car je suis actuellement transparente. Je suis mal à l’aise. Je me doute qu’on me prendra pour une traîtresse, mais si Morgane m’assure sa protection, je ne risque rien du peuple, au moins. Néanmoins, lire dans les visages la haine qu’ils éprouvent me brise le coeur. Je les comprend, et tout comme eux, j’espère que les choses s’arrangeront. Je rêve de voir Arthur débarquer ici, dans cette pièce, pour mettre fin à cette tyrannie, mais mes rêves ne sont pas à prendre pour des réalités.

Morgane se lève et prend la parole. Elle raconte qu’elle va corriger les erreurs d’Uther en faisant revenir le règne de la magie, ce qui me terrifie réellement. À force de croire que la magie est mauvaise, j’ai sans doute appris à la craindre. Uther a beaucoup de défaut, mais son royaume est sans doute l’un des plus sécuritaire. Du moins, il l’était. Désormais, contre toutes attentes, c’était la Mercie qui l’était. Décidément, là où est Arthur est l’endroit le plus sûre où je me sentirai toujours le mieux.

Je réalise alors que j'ai été sans doute un peu trop vague dans ma lettre pour Arthur. J'aurais dû lui dire que Morgane pratiquais la magie pour qu'il réalise que Morgane allait l'utiliser pour terroriser le peuple. Mais je me rassure en me disant que Merlin allait sans doute pouvoir compléter...

Mon regard se promenant sur l'audience, je croise le regard de Sir Aggravain. Il a l'air suspicieux. Se doute-t-il de mon trouble?

Aanor se demandait si en tout temps et toutes choses, les hommes se livraient toujours à ce genre de spectacle. Son pragmatisme avait pris le pas sur tout le reste, la foule des sentiments qui lui donnaient la nausée s'était dissipée. Elle ne pouvait s'empêcher d'observer tout cela avec une pointe de déception dans le cœur. Elle ou un autre, elle ne semblait pas meilleure que son prédécesseur. Celle qui se tenait pour reine devant eux était méprisante envers son nouveau peuple. La jeune native de Chester avait voyagé dans bien des royaumes, vu bien des rois sur cette île et rencontré des hommes de valeurs tout comme des traîtres et des voleurs. En quoi cette Morgane était-elle meilleure que le pire des hommes ?

Créer la crainte dans le cœur de son peuple n'amenait que les problèmes, des problèmes durables qu'elle ne serait jamais à même de régler. Aanor était désolée pour le peuple de Camelot, triste aussi parce qu'ils devraient composer avec cette usurpatrice qui n'avait semble-t-il foi que dans la violence et une vision très archaïque à l'écouter parler. La jeune femme arborait un air songeur sans faire attention aux réactions des autres, elle se contentait d'attendre le moment où elle pourrait enfin quitter la citadelle et rejoindre sa famille pour porter la nouvelle. Elle n'avait qu'une hâte, quitter le royaume. En attendant, elle assistait à cette tragédie en se disant que son ami le Haut Conteur aurait sans doute souhaité assister à ce morceau d'histoire qui était entrain de s'écrire sous ses yeux. Avec un peu de chance, elle pourrait lui raconter tout cela en détail ! Elle était un témoin de l'Histoire après tout.